Bernard Otternaud (Jazz-Rhone-Alpes.com):
Conférence – Concert chez Lyon Music avec Pierre Sigaud et Mario Stanchev

jeudi 9 juin 2011

LYON MUSIC

 Vous connaissez sans doute cette boutique de musique de Lyon (chez Yves Dugas) exclusivement consacré au piano et qui se situe rue Sala (la rue du petit train bleu). Vous savez peut-être aussi qu’il s’y donne quelques jeudi musicaux (un par mois), consacré au répertoire classique ou Jazz.

Alors, il est certain qu’on y aime le piano comme me l’a montré cette magnifique soirée consacré au « stride », un style de musique que Pierre Sigaud nous a présenté avec élégance, science et virtuosité. Pierre ? Un ami de longue date de Mario Stanchev qui nous a fait la joie de le présenter. Pierre ? La plus belle collection de musique de Jazz et de piano stride qu’il connaisse : inépuisable pour tout dire. Un ami à qui Mario dédie une création prévue spécialement pour la soirée ; mélange de jazz et de Bartok et qu’il appelle simplement Ragtime, et qu’il interprète aussitôt, avec ses facétieuses citations (The Intertainer…).

Pierre Sigaud est amateur, au sens noble du terme, et cultive en marge d’un parcours professionnel plus que respectable, le répertoire qui a sa prédilection et va du Rag à Miles Davis. Il étudie les œuvres bien sûr mais aussi le contexte historique et sociologique dans lequel elles ont pris naissance. C’est ainsi qu’il va nous proposer avec passion et de façon assez éblouissante une causerie tout autant qu’un concert sur toute l’histoire du jazz, non pas seulement à partir du Ragtime très binaire(Scott Joplin, 1880) mais avant même, puisqu’il faut remonter à ce mélange de musique noir et de musique de salon chez les planteurs blancs (polka, mazurka…) qui va progressivement être « ternairisée » selon le feeling du « Peuple du blues » qui s’approprie la musique occidentale en l’accommodant à sa sensibilité et à ses préoccupations de libération (surtout présentes dans le blues et le Gospel). Pierre Sigaud va aussi illustrer au clavier toutes les inventions des musiciens successifs. Le Stride, par métamorphose du Ragtime, a ses géniaux inventeurs : J.P. Johnson, Fats Waller (Ain’t misbehaving bien sûr), Willie The Lyon Smith (ah la fraicheur éternelle de the Echoes of Spring !). Ray Briant fait une synthèse géniale. Ce stride donc nous achemine progressivement par ce que LeRoi Jones (sociologue et musicien noir américain : il sait de quoi il parle : « le peuple du blues, édition de poche) une véritable dialectique de la musique noir et de la musique blanche, vers le be-bop des années 38-39, avec d’autres géniaux inventeurs comme Dizzie Gillespie, Thélonious Monk, Charlie Parker….dans une démarche qui consiste à se réapproprier une musique qui a été pillée par les blancs (et une politique discographique ségrégationniste). The « Trumpet style » (comment rivaliser avec la masse sonore d’un big band ?)de Earl Hines ne pouvait manquer à cette esquisse Nous savions déjà plus ou moins cela. Mais Pierre Sigaud le sait dans le détail et vous passionne tant par des anecdotes illustratives que par des illustrations brillantes au clavier (les trilles de Cliff Jackson) , ou nous découvrons avec ravissement qu’il n’a pas hésité à s’affronter aux redoutables difficultés d’un jeu comme celui d’un Art Tatum par exemple. (ses pentatonique enchanteurs et foudroyants, les difficultés du jeu de main gauche lorsque la main ne couvre pas une Dixième voire une treizième comme Art ).

Ce qui nous vraiment sidéré, c’est le « bœuf » que Mario Stanchev et Pierre Sigaud on entamé avec une incroyable énergie à la fin de la soirée. Sur des thèmes connus Honey Suckle rose (Fats Waller) et Take the A train (Duke Ellington). Mais avec quelle fougue, quelle capacité de dialoguer ensemble !

Et mille excuse à Pierre d’avoir du omettre des informations importantes de cette histoire du jazz, qui ne pouvait figurer intégralement dans ma chronique. Et à Yves Dugas pour son accueil, ainsi qu’aux dames qui nous proposèrent une originale et délicieuse collation

Bernard Otternaud

Source : http://www.jazz-rhone-alpes.com/110613/#stantchev