Article : Frédéric Bruckert (Le Progrès)

Mario Stantchev et Lionel Martin  revisitent l’œuvre de Louis Moreau Gottschalk

 

L’invitation faite au voyage dans l’univers sonore des Caraïbes et de la musique romantique du XIXe siècle par Mario Stantchev et Lionel Martin, d’après une idée de Jean Noël Régnier, a tenu toutes ses promesses chez Lyon Music. Au répertoire, une dizaine de compositions de Louis Moreau Gottschalk, émule de Franz Liszt. Ce pianiste formé au Conservatoire de Paris, grand voyageur, écrivain et compositeur natif de la Nouvelle Orléans, injustement oublié du grand public, a puisé son inspiration dans les musiques caribéennes, ibériques et latino-américaines, bien avant que le jazz s’en empare. Le pianiste bulgare Mario Stantchev et le saxophoniste Lionel Martin (lauréat du tremplin Suivez le Jazz en 1999) présentent un répertoire encore en gestation, puisque dans quelques semaines le duo en finalisera la lecture en studio. Mario et Lionel ouvrent la soirée avec « Souvenir de la Havane », un triptyque aux parfums surannés, où les Antilles espagnoles flirtent avec les Indes galantes, la mazurka créole avec les polonaises. Alternant le soprano, l’alto et le ténor, le saxophoniste nous entraîne dans les méandres de ses improvisations aux ressources immuables. On retrouve le même engagement, la même sonorité grave et profonde sur « Manchega » Lionel Martin y  laisse échapper son admiration pour John Coltrane et Sonny Rollins, ce qui n’est pas pour déplaire. Avec « Bamboula », autre composition au titre évocateur, le pianiste et le saxophoniste se renvoient à l’infini de petites balles sonores colorées sur la trame jaunie de mélodies créoles que ne renieraient pas le Buena Vista Social Club. « Savane » est une occasion supplémentaire de nous réjouir. Ce thème encore bien choisi, dévoile un exotisme d’une « sauvagerie » parfaitement domestiquée. Suivront « Marche des Gibaros », « Le bananier » aux rythmes plus orientaux sur lesquels Mario Stantchev s’autorise de multiples variations. Sans temps mort, les complices enchaînent avec « Bamboula 1 » un calypso enfiévré digne de Rollins. Enfin « Le Banjo » sonne la fin de la rencontre entre ces deux musiciens d’exception qui n’ont d’autre projet que surprendre toujours et encore leur auditoire, aujourd’hui plus précisément par la mise en perspective de compositions de Louis Moreau Gottschalk, décédé en décembre 1869 à Rio de Janeiro à l’âge de quarante ans.

Frédéric Bruckert (Le Progrès)