Vendredi 15 décembre 20h Andrew TYSON en récital

Andrw TYSON donnera un récital à Lyon

Réservation : Association Frédéric Chopin

Concert : Salle Molière, 18 Qaui de Bondy, 69005 Lyon

Salué par la BBC comme « un véritable poète du piano », le pianiste américain Andrew TYSON se révèle comme une voix caractéristique et fascinante. Partout il est reconnu pour ses exécutions impressionnantes et expressives des interprétations pleines d’imagination révélant un talent artistique exceptionnel.

Programme :

Frédéric CHOPIN (1810 – 1849)

Mazurka n° 32 en ut dièse mineur opus 50 n°3

Ballade n°3 en la bémol majeur opus 47

Maurice RAVEL (1875 – 1937)

Miroirs

–          1. Noctuelles

–          2. Oiseaux tristes

–          3. Une barque sur l’océan

–          4. Alborada del gracioso

–          5. La vallée des cloches

– — – – ENTRACTE – – – – – –

Isaac ALBENIZ (1860 – 1909)

Iberia : Premier cahier

–          Evocacion (Préludio)

–          El Puerto (Càdiz)

–          El Corpus Christi en Sevilla (Sevilla)

 

Franz LISZT (1811 – 1886)

Rhapsodie Espagnole S 254 (Lento – Les Folies d’Espagne : Andante moderato – Allegro animato – Jota aragonesa :  Allegro – un poco meno allegro – Molto Vivace – Sempre presto e fortissimo – Non troppo allegro

 

Andrew TYSON a reçu un Avery Fisher Career Grant, distinction très convoitée, il a remporté le 5ème prix ainsi que le Terence Judd Hallé Orchestra Prize au Concours International de piano de Leeds en 2012. Il s’ensuit un long partenariat aved le Hallé Orchestra avec lequel il joue à de nombreuses reprises et est encensé par la critique, mais aussi avec les Hallé Soloists avec qui il se produit en concert de musique de chambre dans tout le Royaume Uni.

Lauréat du Concours Reine Elisabeth de Belgique, Andrew TYSON joue dans l’ensemble des Etats Unis et dans toute l’Europe, obtenant d’excellentes critiques pour ses prestations en soliste avec l’orchestre de St Luke’s, l’Orchestre Symphonique du Colorado, l’Orchestre National de Belgique et l’Orchestre Royal de Wallonie, parmi tant d’autres.

Il joue sous la direction de Chefs d’orchestre éminents comme Marin Alsop et Sir Mark Elder, et en récital dans des lieux prestigieux notamment la Library of Congress de Washington, le Caramoor Festival et l’Isabella Stewart Gardner Museum à Boston.

En 2011 il a remporté les auditions internationales des Young Concert Artists puis a reçu le John Browning  Memorial Prize et a été présenté dans leurs séries de concerts au Kennedy Center for the performing Arts et à l’Alice Tully Hall.

Après avoir commencé ses études avec le Dr Thomas Otten à l’université de Caroline du Nord, il est entré au Curtis Institute of Music, où il a travaillé avec Claude Franck. Il a ensuite passé son Master et obtenu son diplôme d’artiste à la Julliard School avec Robert Mc Donald. Il a remporté le Concours de piano Gina Bachauer et a reçu le Prix Arthur Rubinstein pour le piano. Enfin, en 2015, Andrew TYSON remporte le premier prix du prestigieux Concours Géza Anda de Zürich ainsi que le Prix Mozart et le Prix du public.

Andrew TYSON nous propose d’entendre ce soir un récital faisant la part belle à l’Espagne dont le tempérament de ses habitants apparaît toujours en filigrane que ce soit de façon descriptive chez Albéniz, stylisée chez Ravel ou idéalisée chez Liszt.

Cependant, selon la tradition Andrew TYSON débutera son récital par deux œuvres de Chopin dont le caractère rêveur et éthéré est aux antipodes de la nature âpre et souvent abrupte du folklore espagnol.

Andrew TYSON interprétera tout d’abord la Mazurka en ut dièse mineur composée en 1841 qui termine un cahier de trois pièces. Il est fréquent que la dernière pièce d’un cahier soit la plus développée et c’est le cas ici puisque les deux premières Mazurkas opus 50, sans rien enlever à leurs qualités intrinsèques (moderato et allegretto) semblent contrebalancer cette œuvre dont la durée d’exécution équivaut au total des deux premières.

Un premier motif à la fois tournoyant et empressé sert d’introduction au véritable thème (en fa dièse majeur) où Chopin déploie avec délectation tous les arcanes de son art jouant sur les équivoques tonales et en utilisant des sonorités particulièrement resplendissantes sans pour autant céder à une virtuosité clinquante rapprochant l’œuvres de certains Nocturnes ou de la Barcarolle. Progressivement la Mazurka revient à la tonalité mineure initiale où Chopin réussi le tour de force de rappeler de façon très fugace le premier thème sous la forme d’un canon. L’œuvre s’achève de façon rayonnante au cours d’une coda employant des chromatismes successifs ramenant à la tonalité de Fa dièse majeur.

Andrew TYSON a choisi de nous faire entendre une autre œuvre d’importance dans la production pianistique de Chopin avec sa troisième Ballade. Chopin a composé ses quatre Ballades en l’espace d’une dizaine d’années, de 1831 à 1842. Il est d’ailleurs délicat de déterminer avec précision la période de pure composition, entre le temps des premières ébauches de la Première Ballade en 1831 de la publication de la Quatrième en 1843. Pendant cette décade, Chopin est alors en pleine possession de ses moyens techniques, il maîtrise totalement son propre langage et son inspiration est à son zénith. Ces quatre pièces tiendront une place importante dans sa production pianistique, compte tenu de leur ampleur mais aussi de leur densité. Elles évoluent dans un langage très lyrique, souvent dramatique, tout en conservant une grande liberté formelle. Ces Ballades combinent subtilement des formes utilisées précédemment par Chopin comme la variation, le Lied ou encore le Rondo.

La Troisième Ballade en la bémol majeur a été composée très rapidement comparativement aux deux premières. Datant de 1841, elle est dédiée à Pauline de Noailles. Si elle reste dans le même univers aquatique que la deuxième Ballade, son expression et sa forme sont totalement différentes.

Pour composer sa troisième Ballade il semblerait que Chopin se soit inspiré d’un poème de son compatriote Mickiewicz narrant les amours entre un Chevalier et une déesse des eaux. Chopin s’inspire du personnage de l’Ondine au caractère amoureux à la fois tendre et exalté, qui tente de punir son infidèle (et mortel) amant, en l’entraînant à sa poursuite dans une quête amoureuse aussi désespérée qu’éternelle. La fin plutôt radieuse de la Ballade laisserait supposer que Chopin à donné à cette légende un sens moins désespéré que Dvorak (Russalka) ou Ravel (Ondine du Gaspard de la Nuit), malgré quelques passages de tension tragique. On peut penser que cette fin symbolise l’espoir en un idéal qui ne peut être atteint, thème romantique s’il en est !

On retrouve dans cette Ballade deux groupes thématiques assez proches qui, par leur poésie et leur douceur, évoluent de façon presque improvisée dans un langage d’une très grande expressivité. Cette troisième Ballade est certainement la plus poétique et intime du groupe. Elle a été créée par Chopin lors du fameux concert qu’il donna le 21 février 1842 dans les Salons de la Maison Pleyel. 

Andrew TYSON continuera son récital par une des œuvres pianistiques majeures de Maurice Ravel en interprétant le cycle des « Miroirs » composés en 1905. Si chacune des cinq pièces du recueil a un titre évocateur en revanche, « Miroirs », le titre du recueil, est lui beaucoup plus énigmatique. L’œuvre a été créée le 6 janvier 1906 à la Salle Erard à Paris par le grand pianiste et ami de Ravel : Ricardo Viñes (qui est aussi le dédicataire de la deuxième pièce : Oiseaux Tristes).

Dans les « Miroirs », Maurice Ravel se montre le digne héritier de Franz Liszt à qui il portait très une grande admiration. Ce recueil marque une évolution importante dans son langage et dans son Esquisse biographique, il donne à propos des Miroirs les informations suivantes : « Ce recueil de pièces pour piano marque dans mon évolution harmonique un changement assez considérable pour avoir décontenancé les musiciens les plus accoutumés jusqu’alors à ma manière.

Avec « Noctuelles », Ravel traduit avec un grand réalisme musical les bruissements fugaces émis par le volettement de ces papillons de nuit qui vont et viennent sans suivre une trajectoire définie. Cette description se traduit par des harmonies indécises, des ruptures rythmiques, qui n’excluent pas une grande unité et un sentiment de légèreté donné à la pièce.

C’est encore à une imitation que nous convie Ravel avec la deuxième pièce qui évoque cette fois « les oiseaux perdus dans la torpeur d’une forêt (Fontainebleau) très sombre aux heures les plus chaudes de l’été ». L’atmosphère dépeinte par le compositeur y est particulièrement désolée et statique où il transparait le chant inquiet de ces « Oiseaux Tristes ».

Changement de décor et d’atmosphère avec « Une barque sur l’océan » qui décrit une frêle embarcation menacée de naufrage, prise au milieu d’une tempête dans mer démontée et écumante. Ravel dépeint de façon saisissante le mouvement de cet océan en colère, aux vagues gigantesques, s’amplifiant et déferlant soudainement sur la barque. Cette pièce, d’une grande difficulté technique est certainement la pièce la plus élaborée et la plus brillante du recueil, même si elle n’a pas l’entrain enthousiasmant et très « grand public » de la pièce suivante : Alborada del Gracioso.

« L’Alborada del Gracioso » (l’aubade du bouffon) contraste avec les pièces précédentes par la netteté de son trait, où les caractéristiques impressionnistes s’estompent, pour faire place à des staccatos percutants, égrenés sur des rythmes nets et  fiévreux, sortes d’échos stylisés du flamenco. Contrairement à la pièce précédente, ici Ravel s’éloigne de l’univers debussyste pour se rapprocher de celui d’Albéniz. Ravel s’est ici inspirée d’une œuvre antérieure (la Sérénade Grotesque).

Pour la dernière pièce du cahier,  « La Vallée des Cloches », Ravel change à nouveau d’atmosphère où, sur une mélodie continue viennent se greffer des sonorités de cloches et de carillons, émis à des nuances différentes afin de spatialiser la pièce en donnant un sentiment de proximité ou d’éloignement des tintements. Cette pièce n’est d’ailleurs pas sans rappeler « Les Cloches de Genève », neuvième pièce de la Première Année de Pèlerinage – La Suisse, écrite par Franz Liszt, son grand modèle. Ravel se serait inspiré (de son propre aveu) par les cloches des églises parisiennes sonnant à midi de tous les endroits de la ville.

La Vallée des Cloches conclut d’une façon rêveuse et un peu mélancolique cette magnifique et passionnante excursion dans l’univers ravélien.

En seconde partie de son récital Andrew TYSON reviendra de façon encore plus manifeste à la musique espagnole en interprétant le premier cahier d’Iberia, le grand chef d’œuvre pianistique d’Isaac Albéniz.

Albéniz était un enfant particulièrement précoce dans bien des domaines : A quatre ans il donnait son premier concert, à six ans il entrait au Conservatoire de Paris, à treize ans il faisait sa première fugue (pas musicale celle-là). Ce grand admirateur de Liszt, qui se prétendait même son élève (alors que rien ne le prouve), était à l’instar de son idole un virtuose accompli. Elève de Vincent d’Indy, et ami de Fauré, de Chausson, de Dukas, Albeniz passa une grande partie de sa vie à Paris. Il fut très influencé par la musique impressionniste et tout particulièrement par Claude Debussy. Cet homme érudit et raffiné, composa entre 1906 et 1909 la plus monumentale œuvre pianistique consacrée à l’Espagne. Il s’agit bien sûr d’Iberia, douze pièces magistrales réparties en quatre cahiers, sous-titrés « Impressions d’Espagne ».

Si on trouve dans toutes les pièces d’Iberia les caractéristiques du folklore musical espagnol (jota – fandango – zapateado – malagueña etc..), cette musique aux harmonies impressionnistes est beaucoup plus qu’une carte postale sonore. Albéniz conçoit ces pièces avec une imagination créatrice débordante, et se libère largement des différents cadres musicaux imposés par les différents folklores régionaux, même si chacune des pièces d’Iberia évoque (à l’exception d’Evocación et de Lavapiès) des villes espagnoles, ou des quartiers précis.

On s’aperçoit immédiatement à l’écoute « d’Evocación » que le climat est profondément intériorisé et s’apparente à une rêverie romantique teintée de nostalgie. A l’époque où Albéniz compose Evocación, il est loin de son pays natal et il confère à cette pièce une atmosphère nimbée de mélancolie, qui suggère plus qu’elle ne décrit.

L’atmosphère change radicalement avec « El Puerto », dépeignant, avec une évidente bonne humeur, l’activité débordante du petit port de pêche de Santa-Maria près de Cadiz. La pièce (comme toutes les autres pièces d’Iberia) s’évanouit tranquillement dans un rêve.

El Corpus en Sevilla (ou « La Fête Dieu à Séville ») dépeint avec réalisme la grande procession religieuse pendant laquelle la statue de la Vierge est promenée dans les rues de la ville suivie de fanfares, et de pénitents qui se flagellent. Albéniz spatialise sa pièce qui commence « au loin » par un roulement de tambour suivi d’une marche qui enfle au fur et à mesure que la procession s’approche et l’on perçoit l’agitation, les cloches, l’évocation de la « saeta », perçant cri d’extase religieuse. Tout ce tumulte festif s’estompe enfin au crépuscule et la pièce se termine par une longue coda, dans une quiétude vespérale.

Andrew TYSON achèvera ce concert par une vision aussi idéalisée que bouillonnante de la Musique Espagnole avec la fabuleuse Rhapsodie Espagnole de Franz Liszt publiée en 1867.

La Rhapsodie Espagnole (tout comme les Rhapsodies hongroises) permit à Liszt de donner à un public ébahi un aperçu de ses fulgurants moyens pianistiques qualifiés alors de diaboliques. Liszt reprend d’ailleurs dans sa Rhapsodie Espagnole la même structure que dans les Rhapsodies Hongroises basées sur l’opposition de deux thèmes aux rythmes inverses (un Lassan lent et une Friska vive et exubérante).

La Rhapsodie Espagnole est une œuvre déjà tardive, composée au tout début des années 1860. Elle a été inspirée à Liszt par ce qu’il avait ressenti lors de sa tournée en Espagne en 1844, où il avait pu notamment admirer la Cathédrale de Séville et s’imprégner des nombreuses danses populaires aux rythmes enivrants et tout particulièrement la Jota aragonesa et la célébrissime « Folia » repris dans la Rhapsodie Espagnole.

Contemporaine des deux Légendes de Saint François la Rhapsodie Espagnole s’éloigne de ses cousines hongroises par un équilibre moins prononcé et une intention d’improvisation nuisant parfois à son équilibre formel, la Rhapsodie Espagnole exigeant de l’interprète un certain détachement pour rendre à cette œuvre un dramatisme sous jacent et une noblesse parfois affectée.   

Le premier thème est basé sur « la Folia », cette célèbre composition d’origine portugaise du 15ème siècle qui a inspiré de très nombreux compositeurs depuis Lully, Corelli, Vivaldi, Händel jusqu’à Rachmaninov. Liszt traite ce thème en forme de Passacaille sous forme de variations. Le second thème quant à lui est traité de façon plus vive et exubérante. Il est basé sur la Jota aragonesa que Liszt agrémente de nombreuses fioritures et dont les multiples variations lui permettent d’explorer de multiples tonalités aux éclairages sans cesse renouvelés.

La Rhapsodie Espagnole a été composée par Liszt dans le même esprit que ses 19 rhapsodies hongroises et la rhapsodie roumaine où il s’attache plus à l’âme d’un peuple qu’à une description littérale : « Par le mot Rhapsodie j’ai voulu désigner l’élément fantastiquement épique que j’ai cru y reconnaître…. Ces fragments ne narrent point de faits, il est vrai ; mais les oreilles qui savent entendre y surprendront l’expression de certains états d’âme dans lesquels se résume l’idéal d’une nation ».    

Jean-Noël REGNIER