Vendredi 9 février 20h Mme KE MA en récital

Mme KE MA en récital.

Née en 1994, Ke MA étudie actuellement à la Royal Academy of Music in London avec le Professeur Christopher Elton dans le cadre d’un Master. Tout récemment, Ke MA a gagné le premier prix du 18ème  Concours International du Piano de Maisons-Laffitte.

Association Frédéric Chopin Lyon

Salle Molière, 69005 Lyon

Programme :

Jean-Sébastien BACH (1685 – 1750)

Partita pour clavier n° 1 en si bémol majeur BWV 825

–          Praeludium

–          Allemande

–          Courante

–          Sarabande

–          Menuets I et II

–          Gigue

 

Ludwig van Beethoven (1770 – 1827)

Sonate pour piano n° 32 en ut mineur opus 111

–          1.   Maestoso – Allegro con brio appassionato

–          2.   Arietta. Adagio molto semplice e cantabile

 

– — – – ENTRACTE – – – – – –

Lili BOULANGER (1893 – 1918)

3 pièces pour piano

–          D’un vieux jardin

–          D’un jardin clair

–          Cortège

 

Frédéric CHOPIN (1810 – 1849)

24 Préludes Opus 28

Biographie :

Elle débute le piano à l’âge de trois ans avec son grand-père et son père qui furent ses premiers professeurs. Progressant très rapidement, elle gagne à cinq ans le deuxième prix du prestigieux concours de piano Xiwangbei de Pékin. Elle étudie alors avec le Professeur Zhong Hui. En 2006, elle débute un nouveau cursus avec Galina Popova au Conservatoire de Xinghai (Canton) et commence à donner des concerts en Pologne et au Canada.

Elle participe aux masterclasses de grands pianistes tels que Peter Frankl, Angela Hewitt, Huang-kuan Chen, Pascal Devoyon, Joanna MacGregor, Yevgeny Sudbin, Boris Berman, Arie Vardi et Imogen Cooper.

Ke MA a gagné de nombreux prix tels que le concours Harriet Cohen Bach, Harold Craxton Prize, le prix de la Fondation Masie Lewis destiné aux Jeunes Artistes, ou le concours Sternadle Bennett. En 2012 elle remporte le 3ème prix du Concours International de Piano d’Ettlingen en Allemagne. En 2015, elle remporte le concours international de Shenzhen en Chine (destiné aux concertos) et reçoit le Prix du Prince de l’Entreprise et le cinquième prix du Hastings Piano concerto Compétition en Grande-Bretagne en 2016

Ke MA a joué fréquemment en concerto avec de nombreux orchestres et chefs prestigieux tels que  Christian Ehwald, Daye Lin, Nigel Wilkinson, Qiyuan Zhu, Uros Lajovic et Brian Wright. Elle joue régulièrement avec plusieurs formations orchestrales chinoises importantes mais aussi avec l’Orchestre Philharmonique Royal d’Hastings et cette année, elle jouera le 28 septembre avec l’orchestre symphonique des jeunes musiciens sous la direction de James Blair. 

Outre les nombreux récitals Ke MA pratique avec ardeur la musique de chambre. L’année dernière, Ke MA a créé un duo avec l’altiste britannique Timothy Ridout et ont donné leur premier concert au Wigmore Hall de Londres.

Ke MA bénéficie des généreux soutiens des fondations Leverhulme, Edward Mandel Bursary, mais aussi de Steinway, et obtient aussi la Récompense Ian Fleming du Musicien (aide aux étudiants post-licence du Royaume-Uni 2016/2017), la bourse Tillett, et la bourse de l’Académie de Musique du Liechtenstein.

 

Ke MA débutera son récital par la première Partita pour clavier de Jean-Sébastien Bach. Ce dernier Bach n’était pas seulement compositeur mais il pratiquait aussi de nombreux instruments tels que l’orgue, le violon, l’alto, le hautbois, la flûte et bien sûr, le clavecin. Il jouait de ce dernier en parfait virtuose, et il en maitrisait les plus infimes possibilités.

A côté de compositions extrêmement savantes principalement contrapuntiques telles que Le Clavier bien Tempéré, l’Art de la Fugue, les inventions et sinfonias à deux et trois voix, Bach a écrit pour le clavecin un certain nombre d’œuvres d’esprit plus libre et divertissant, et certainement plus appréciées par ses contemporains, moins rompus que lui aux subtilités de l’harmonie et du contrepoint.

Il s’agit principalement des Suites Françaises, des Suites Anglaises et des Partitas qui sont constituées majoritairement de danses populaires (allemandes, courantes, sarabandes, gavottes, menuets, bourrées, gigues). Les Partitas témoignent de la très grande maturité de Bach dans le domaine de la composition.

Jouer une Partita de Bach demande à l’interprète de solides capacités techniques alliant virtuosité, imagination et brillance, mais aussi un esprit analytique très développé afin de donner à l’œuvre une unité et une cohérence, difficiles à restituer compte tenu du grand nombre de courtes pièces enchainées rapidement dont les rythmes et les caractères sont très différents les uns des autres.          

Bach a publié ses six Partitas séparément entre 1726 et 1731. Ces pièces composeront la première partie du Clavierubüng (pratique du clavier). La page de garde de l’édition originale définit parfaitement l’état d’esprit dans lequel Bach a composé ses Partitas : « Exercices pour le clavier regroupant Préludes et autres galanteries : à l’intention des amateurs pour la récréation de l’esprit ».

Pour insister sur la particularité de ses Partitas, Bach débute chacune d’entre elles par un mouvement très libre et spécifique (Prélude pour la première, Sinfonia pour la deuxième, Fantasia pour la troisième, Ouverture à la Française pour la quatrième, Praeambulum et Toccata pour les deux dernières).

Johann Nikolaus Forkel, (le premier biographe de J.S. Bach) écrivit en 1802 à propos des Partitas, dans sa monographie sur Bach « Qui savait en exécuter très convenablement quelques pièces était assuré de remporter un vif succès, et encore à notre époque, un jeune artiste pourra s’illustrer grâce à elles, tellement elles sont brillantes, agréables à l’oreille, expressives et toujours neuves. Gageons que Ke MA nous prouvera deux cent quinze ans après, que les propos de Forkel sont toujours d’actualité.

La première Partita en la mineur date de 1726. Il s’agit d’une œuvre qui séduit par son apparente simplicité. Outre le fait de reprendre les quatre mouvements traditionnellement utilisés par Bach dans l’ensemble de ses suites (Allemande, Courante, Sarabande et Gigue), elle débute par un bref Prélude de vingt et une mesures à trois voix où le motif apparait dans tous les registres du clavier. Bach insère aussi deux menuets aux caractères opposés entre la sarabande et la gigue. Bach conserve ainsi cet esprit de danse et si le premier menuet n’est pas sans rappeler le style français le second s’avère plus posé et rigoureux. La Gigue finale est particulièrement impressionnante par sa mélodie jouée par une main gauche agitée qui croise sans arrêt une main droite à contrario très régulière.

Ke MA continuera son récital par un autre grand architecte de la musique en la personne de Beethoven Après cette pièce monumentale de Bach, elle a choisi de nous interpréter la trente deuxième (et ultime) sonate pour piano de Beethoven.

C’est en réaction à un phénomène extérieur que Beethoven se met à la composition de ses trois dernières sonates. Un article de « l’Allgemeine Musikalische Zeitung » le considère pour mort à la musique de son temps. Beethoven relèvera le défi qui lui est lancé pour prouver qu’il est toujours là, et que ses capacités créatrices demeurent intactes. Il répondra donc de façon éclatante à cet article par la composition de ses trois dernières sonates pour piano particulièrement novatrices. Alfred Brendel fait justement remarquer que  « chacune des trois sonates s’achève d’une façon inédite, alors que précédemment (y compris dans la Sonate Hammerklavier) quelques accords plaqués marquaient ostensiblement, et de façon conventionnelle, la fin de l’œuvre : Les conclusions semblent amenées par le développement même de la musique, et lui appartenir : l’opus 109 se retire à mi-voix, à mi pas dans un monde à part, l’opus 110 finit dans la joie de son auto-immolation, et l’opus 111 fait reddition au silence ».

« L’Opus 111 » est la troisième et dernière sonate de l’ultime triptyque pianistique conçu par Beethoven. Tout au long de sa vie Il à publié des œuvres similaires regroupées sous un même numéro d’opus, celles-ci étant généralement au nombre de trois. On retrouve ainsi les trois trios avec piano opus 1, Les trois trios à cordes opus 9, les trois sonates pour piano et violon opus 12 et opus 30, les trois quatuors opus 59 « Rasumovsky » et les trois séries (de trois) sonates pour piano opus 2, 10 et 31. Même si les trois dernières sonates (30 à 32) disposent de numéros d’opus séparés (opus 109 à 111), leur proximité d’esprit et leur composition simultanée font qu’elles découlent de ce même principe et si Beethoven a donné à chacune un numéro d’opus séparé, c’est certainement pour en souligner l’importance.

Contemporaine de la Missa Solemnis, Beethoven achève la composition de sa sonate en ut mineur le 13 janvier 1822. Celle-ci a été particulièrement difficile et laborieuse comme les innombrables ratures du manuscrit en témoignent.  Celles-ci révèlent le travail titanesque accompli par Beethoven, en lutte constante avec un matériau musical insaisissable et rebelle qu’il doit dominer pour concevoir une œuvre aussi unique qu’inédite.

Cette trente deuxième sonate est sans nul doute l’œuvre pianistique la plus aboutie du dernier style beethovénien. Les cinq dernières sonates pour piano (28 à 32) sont révélatrices de son dernier style. Beethoven y combine les deux formes musicales que sont le contrepoint et la variation. Beethoven utilise au départ une mélodie très simple qu’il va peu à peu complexifier, transformer, réinventer pour aboutir à un nouveau thème. Il y alterne des passages d’une grande rigueur (fugues) à d’autres extrêmement libres (variations). Beethoven insère dans son langage un autre élément comme jamais aucun compositeur ne l’avait fait avant lui, c’est le silence. Il lui donne un poids particulier et l’utilise d’une façon déterminante dans l’évolution du discours tant au plan rythmique que mélodique. Dans ces dernières œuvres le contrepoint n’a pas la rigueur mathématique qu’un Bach pourrait lui conférer, de même que les variations perdent leurs caractéristiques ornementales et convenues (très prisées au cours de la période classique) pour devenir de véritables méditations imprévisibles et décantées, hors de tout style connu. On retrouve tout particulièrement ces caractéristiques typiquement beethovéniennes dans le deuxième mouvement de la dernière sonate.

Celle-ci est composée de deux mouvements que tout oppose : Le premier se base sur le contrepoint alors que le second repose sur la variation. Le Maestoso évolue dans un climat violent et tumultueux alors qu’au contraire l’Arietta évolue sans heurts (à l’exception du court passage central) dans une atmosphère apaisée où la musique perd ses caractéristiques ornementales pour atteindre le domaine du mystique. Le motif même de l’Arietta est l’inversion descendante du premier mouvement. Cette symétrie explique pourquoi cette sonate ne pouvait avoir de troisième mouvement puisqu’elle repose sur l’opposition entre les deux mouvements. Schindler, le premier biographe de Beethoven a demandé un jour à ce dernier pourquoi il n’avait pas écrit de troisième mouvement à sa sonate ; Beethoven lui répondit ironiquement devant l’incongruité de la question « qu’il n’avait pas eu le temps » ! 

Si le premier mouvement est richement contrasté, la forme sonate auquel il se plie malgré tout n’est qu’un prétexte. En fait, Beethoven y insère de multiples éléments de fugue qui en font toute sa richesse. Le mouvement débute par un préambule à la fois violent, colérique et mystérieux qui se charge progressivement en énergie au cours des différentes vagues d’assaut menées sur une rythmique implacable. Cette tension de plus en plus insoutenable se résout d’un coup avec l’arrivée du thème principal. Dans ce préambule, la tonalité est mouvante et incertaine, utilisant même des dissonances alors inusitées. Le thème principal est quant à lui exposé une dernière fois dans la tonalité d’ut mineur si chère à Beethoven (Sonate Pathétique, Ouverture de Coriolan, troisième Concerto pour piano, cinquième Symphonie etc.). Cette tonalité crée une atmosphère typiquement beethovénienne qui révèle à chaque fois son combat et son entêtement face au destin contraire, et aux éléments qui se liguent contre lui. Ce premier thème est prépondérant. Il baigne dans un climat de lutte prométhéenne à la fois véhémente et suffocante seulement atténuée par un second thème plus lyrique et plaintif qui revient par deux fois. Ce second thème sera à chaque fois bien vite submergé par le retour du premier thème, encore plus violent et déchaîné. Seule l’admirable coda apportera au mouvement un dénouement apaisé servant de transition idéale avec le second mouvement.

L’Arietta propose au départ une mélodie à la fois simple et sereine. Celle–ci est proche d’une douce berceuse qui se métamorphose progressivement au cours d’une série de cinq variations aux différents climats. Chaque variation qui s’enchaîne imperceptiblement à la précédente dispose d’une rythmique particulière qui participe à la lente maturation du mouvement où il  règne une ambiance apaisée malgré l’agitation de la deuxième variation. Ici la variation n’est qu’une simple étape dans la progression du mouvement et n’est pas différenciée des autres. Cet enchaînement est très important car il joue sur l’intemporalité du mouvement : « Les durées se démultiplient alors que le temps semble se condenser » comme le précisait fort à propos André Boucourechliev. L’Adagio évolue peu à peu vers une sorte de béatitude musicale très décantée (« un rêve immense » pour Romain Rolland) dont l’écriture se resserre progressivement et finit par s’évanouir dans le silence et la paix retrouvée, sur un long trille de 12 mesures dans l’aigu du clavier.    

En début de seconde partie Ke MA rendra un hommage émouvant à la musique française en interprétant trois courtes pièces pour piano de Lili Boulanger. Morte à vingt-cinq ans seulement onze jours avant Debussy, Lili Boulanger fait partie de ces artistes touchés par la grâce et dont la disparition prématurée ne peut que laisser que d’amers regrets, à l’instar de Schubert, d’Arriaga ou d’interprètes sublimes comme Dinu Lipatti, Ginette Neveu ou  Youri Egorov.

Les pièces que va nous interpréter Ke MA ont été composées en 1914 à l’arrivée de Lili Boulanger à la Villa Médicis. Ces trois miniatures s’inscrivent totalement dans la mouvance « impressionniste » qui touche alors la France en ce début de vingtième siècle. Elles sont proches stylistiquement des compositions de Debussy, Fauré, voire même de Satie.

Les deux premières pièces forment un diptyque et si « d’un vieux jardin » est une œuvre sombre et apprêtée, « d’un jardin clair » est au contraire une pièce lumineuse et dansante, pleine d’allégresse. Cette joie se retrouve aussi dans la dernière pièce intitulée « Cortège » qui est à la fois légère et insouciante. On peut penser que les deux premières pièces ont été inspirées par le jardin de la maison familiale des Boulanger à Hanneucourt, non loin de Giverny.

Ke MA consacrera enfin une large part de cette seconde partie de récital à Frédéric Chopin en interprétant ses vingt-quatre Préludes opus 28.

Tout comme Beethoven, Chopin, fut un grand admirateur de Jean-Sébastien Bach (et particulièrement du clavier bien tempéré). Il a élaboré le recueil des vingt-quatre Préludes opus 28 selon un ordre tonal précis : Il emploie les vingt-quatre tonalités en faisant alterner chaque tonalité majeure avec sa relative mineure, dans l’ordre ascendant en quinte pour les tonalités comportant des dièses et dans l’ordre descendant en quarte pour les tonalités comportant des bémols.

Cependant, contrairement à la tradition (et à l’étymologie) Chopin fait du Prélude une pièce séparée qui se suffit à elle-même. Depuis le XVème siècle le prélude était une pièce libre d’aspect improvisé, qui servait à introduire une autre pièce (généralement une fugue) ou une suite de danses habituellement plus rigoureuse et aux plus vastes proportions. Le binôme « prélude et fugue » connut son apogée au dix-huitième siècle avec les quarante-huit Préludes et fugues répartis sur les deux livres du Clavier Bien Tempéré que Bach a composés dans une perspective principalement didactique.

Chopin, en « libérant » le Prélude de sa Fugue originelle en fait une œuvre pianistique complètement libre de toute contrainte musicale, concise et d’essence poétique, dont le principe sera repris ultérieurement par d’autres grands compositeurs tels que Debussy, Rachmaninov ou Scriabine.

Bien qu’ébauchés depuis 1836, la majorité des Préludes a été achevée lors du terrible voyage entrepris aux Baléares à l’automne 1838 jusqu’au début de 1839 avec George Sand, afin de soigner sa tuberculose naissante. Chopin séjourne alors à la Chartreuse de Valdemosa sur l’Ile de Majorque. Vivant dans un grand dénuement matériel et sans aucun confort, il tombe gravement malade en décembre 1838. Il achève la composition des Préludes alors qu’il souffre de fortes fièvres lui procurant délires, hallucinations et autres visions cauchemardesques.

C’est certainement cette image du grand compositeur romantique défiant héroïquement la mort, et composant vaillamment des flopées d’œuvres immortelles, qui a conduit certains  interprètes (et non des moindres comme Alfred Cortot ou Francis Planté) à donner à chaque Prélude des titres aussi grotesques que grandiloquents, qui sont absolument contraires aux concepts mêmes de Chopin.

Voici quelques titres nés de l’imagination fertile d’Alfred Cortot : « La neige tombe, le vent hurle, la tempête fait rage, mais en mon triste cœur, l’orage est plus terrible encore » (Prélude n°8) – « Sur le sol étranger, par une nuit étoilée, et en pensant à la bien aimée lointaine » (Prélude n° 13) – « Mais la Mort est là, dans l’ombre » (Prélude n°15) – « Retour solitaire à l’endroit des aveux » (Prélude n° 21) –« Du sang, de la volupté de la mort » (Prélude n°24).

Ces titres commentant les hypothétiques tourments et états d’âme qui ont inspiré Chopin lorsqu’il  composait ses Préludes semblent aujourd’hui bien désuets. Chopin à donné un titre à un seul de ses Préludes, le quinzième qu’il a appelé beaucoup plus sobrement  « La goutte d’eau », et lui seul mérite d’être cité.

Le Prélude tel que le conçoit Chopin n’est pas soumis à un cadre quelconque, qu’il soit didactique comme les études ou faisant référence à un pays comme les polonaises ou mazurkas. Sorte de petit poème musical, le langage du Prélude est totalement libre, que ce soit par son contenu émotionnel, sa forme ou encore par sa durée.

Certes plusieurs Préludes reprennent des schémas déjà connus qui peuvent rappeler la Mazurka (Prélude n°7), le Nocturne (Prélude n° 13) ou encore les Etudes (Préludes n° 8, 16 ou 24) mais ici, Chopin compose selon son gré, sans être soumis à une contrainte préétablie. On constate aussi que la durée des Préludes est extrêmement variable allant de quelques secondes pour le Prélude n°9 (qui ne comporte que douze mesures) ainsi que le suivant (d’une durée d’environ trente secondes) à des Préludes plus longs comme le quinzième qui dépasse largement les six minutes. Certains Préludes évoquent la joie (Prélude n°7) d’autres la mort (Préludes n°16 et n°20), d’autres la rage (Préludes 8 et 24) d’autres encore font place à la rêverie (comme le Prélude n°11 qui est une charmante barcarolle).

Chopin dans cette œuvre sublime réussit le tour de force extraordinaire de nous offrir un véritable kaléidoscope de sensations aussi diverses que fugaces, tout en créant dans un désordre apparent une structure (tonale) extrêmement organisée.

Il conviendrait, à l’écoute de ces Préludes de s’écrier à l’instar de Schumann découvrant la musique Chopin « Chapeau bas Messieurs….un génie !». Hélas, Schumann n’a pas porté sur ces vingt-quatre Préludes une critique aussi élogieuse (due certainement à son incompréhension du langage de Chopin…comme il fera aussi quelques années plus tard avec la Sonate funèbre). Il écrira à leur propos : « des esquisses, des études, ou si vous voulez des ruines, quelques plumes qu’un aigle laissa tomber ». Fort heureusement, même Schumann pouvait se tromper !

Jean-Noël REGNIER